ETAT DES YEUX | TEMPS 1 | Dans le blanc...
mardi 07 janvier 2014
[ je me suis préparé p ] our vous dire ce qui est
écrit, mais auparavant je m'étais préparé
pour écrire ce qui peut être dit, mais aupa-
[ravant je m'étais préparé p ] our
je parle au début sans y voir
[ ]
je me prépare indéfiniment pour exister un
jour
[ ]
plonger au fond de la parole. on cherche à
[tâtons. on remonte avec des] ©oquillages
Patrick DUBOST, La récréation des morts, p. 25
VOIX éditions 2001 |
Avec incrustations et bruits de Richard MEIER.
Exemplaire (usé) n° 11/123
Orientation Céleste | Photographie Estivale 2013 | Mth PEYRIN (c)
Dans le blanc de tes yeux, comme dans tes veines, j'ai vu tes peines. Et finalement, tu peux être n'importe qui,
l'effet de pâleur et d'encre sourde sous ta peau ou de sang injecté, un peu n'importe comment, dans les globes fatigués et jaunis de tes yeux
sera toujours à lire et à soulager de toute urgence.
Pour autant, je ne suis pas certaine de tout voir et de tout supporter sans broncher ou sans rechigner.
J'en ai trop vu et entendu déjà. De plus en plus de mal à accorder mes verbes, hésitant entre le singulier et le pluriel.
Parfois, je voudrais garder les yeux dans le noir, forcer légèrement l'occlusion des paupières et attendre les phosphènes de la saturation comme signes avant-coureurs patents de mes limites d'absorption mnésique.
J'attendrais volontiers, hors les mots, l'apparition d'un écran blanc et silencieux. Indemne de toute souffrance,de toute souillure.
J'aurais alors l'illusion fugace que rien de terrible ne pourrait arriver à nouveau.
Surtout pas ta liste macabre de noms épelés à perte et à pertétuité, ou de matricules violentés, doublement niés par la traçabilité polémique de l'horreur.
Opalka n'est malheureusement plus là pour éclaircir sur ses toiles biographiques les traces ignobles de l'absurdité et du délire de destruction humaine dupliqué jusqu'à l'apocalypse banalisée, partout, et de tout temps.
Le blanc est resté pour moi le symbole et le secret du coquillage préservé de ton nom de secours. Le blanc avec lequel tu habillais petits tous tes enfants si fragiles et mortels.
Le blanc est pour moi une phrase pure, intacte et lisible, sans besoin d'interprète, ni de preuve supplémentaire. Les faits essentiels , existentiels y sont inscrits, indéracinables dans un recommencement des couleurs qui demandera toujours des comptes et des éclaircissements exigeants.